La lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants qui en sont témoins exige de mettre en place un plan global dans son traitement, faute de quoi la violence ressurgit ailleurs dans la société. Certains pays y sont parvenus ou y parviennent actuellement face à des situations extrêmement critiques qu’ils n’ont pas su endiguer. D’autres comme la Russie font une marche arrière lourde de conséquences. A l’aube de notre élection présidentielle, les candidats devraient y réfléchir sérieusement.
Dès 2004, l’Espagne met en place un plan de lutte intégrale contre les violences faites aux femmes et leurs conséquences sur les enfants, bien avant la France où il a fallu attendre la loi du 9 juillet 2010. Un plan de lutte intégrale reprend les 3 P du Conseil de l’Europe sur lesquels les experts travaillaient depuis 10 ans, et qui ont été finalisés dans la Convention de lutte contre les violences domestiques d’avril 2011 dite Convention d’Istanboul. Les 3 P renvoient à Prévention /Protection /Punition. Cette même convention d’Istanboul d’avril 2011 n’a été ratifiée par la France qu’en août 2014. Si l’Espagne a pris de l’avance, c’est que la situation de la violence domestique était devenue absolument dramatique.
Il en est de même en Algérie, où la violence à l’école est devenue extrêmement préoccupante pour les associations, et maintenant le gouvernement. Selon les experts algériens, la violence à l’école est un symptôme des violences conjugales dont les enfants sont les premières victimes même s’ils ne sont que témoins. Je ne peux que souligner cette approche globale et transversale que nous défendons à l’IFRAV depuis des années, là où la France privilégie encore trop le morcellement en distinguant la violence conjugale, la violence à l’école, dans la cité, dans le sport, dans les transports, sur la route, etc. L’Algérie a dû faire le triste constat de plus de 40 000 cas de violence déclarés dans le milieu scolaire en 2016, et plus de 260 000 cas entre 2000 et 2014 – sachant que 50 % des cas ne sont pas déclarés – pour prendre le taureau par les cornes. Parvenant à la conclusion que l’échec scolaire, la famille et la violence sont étroitement liés, un vaste plan global est actuellement mis en place. Devons-nous attendre nous aussi d’en arriver à de telles extrémités pour enfin prendre les mesures de traitement global ?
En effet, tant que nous n’aurons pas éradiqué les violences domestiques dont les enfants sont eux-mêmes victimes ou témoins, y compris les violences les moins visibles tels que le harcèlement moral et les violences psychologiques, nous ne pourrons pas contenir la violence intrinsèque au corps social et serons d’autant moins à même de combattre la violence externe à la Nation. Les effets de la violence sont poreux, ce qui explique en partie que certains de nos jeunes peuvent être attirés par la violence de Daesh.
Et que dire de la Russie qui vient de dépénaliser pour partie les violences domestiques commises au sein d’une même famille tant qu’elles n’ont pas causé de séquelles graves ni eu de précédent ? Ce faisant, la Russie se met au ban des 47 Nations européennes membres du Conseil de l’Europe. Le gouvernement russe pratique un déni des violences domestiques qui va nécessairement provoquer un effet boomerang en créant à une situation explosive. Des millions de victimes vont en faire les frais.
La lutte contre les violences domestiques demeure un combat de tous les instants dans le monde entier. L’engagement de tous est nécessaire, celui des politiques en premier. Les manifestants qui arpentent les rues des grandes villes de la planète nous laissent à penser qu’une nouvelle ère est malgré tout en train d’émerger.
ifrav.fr / 06 02 17 / Laurent Hincker