25/11/17, Strasbourg, librairie Kleber. Journée mondiale des violences faites aux femmes.

Le sujet est plus que d’actualité. La librairie kleber organise une rencontre entre un écrivain, Jean-Luc Seigle et un avocat, Laurent Hincker, spécialisé en droit de la famille, militant contre les violences psychologiques et le harcèlement moral depuis plus de trente ans. Malgré le froid qui sévit à Strasbourg, malgré le dispositif de sécurité qui verrouille le centre ville où est installé l’un des plus beaux marchés de Noël en France, le public s’est déplacé.

jean-luc-seigleL’écrivain et l’avocat ne se connaissent pas, et n’ont jamais débattu de cette façon sur cette problématique. Jean-Luc Seigle est un écrivain attaché à la cause des femmes. Toute son oeuvre porte un regard bienveillant sur les femmes et montre combien il comprend ce qu’elles vivent en silence. Son magnifique roman, Je vous écris dans le noir, met des mots sur la  violence invisible subie par Pauline Dubuisson, étudiante en médecine qui a tué son fiancé, condamnée à la prison à perpétuité dans les années 50. Cette violence – de l’histoire, des institutions, des médias, de l’appareil judiciaire, du simple regard d’autrui – est absolument inouïe. Elle s’enclenche de façon infernale. Pauline n’a pas pu mettre des mots sur ses maux. La violence est enkystée au plus profond d’elle-même. Elle demeure murée dans son silence;

20171125_135541Il faut alors qu’il y ait des écrivains pour redonner la parole aux victimes, avec une grande sensibilité et beaucoup d’élégance, mais aussi de simplicité et de justesse. Jean-luc Seigle est de ceux-là ! Dans son dernier roman, La femme à la mobylette, qu’il présente ce 25 novembre à la librairie Kleber, il met à nouveau en scène une femme. Celle-là a été laminée par un mari pervers narcissique qui la dépouille de tout, la laissant dans une indigence totale et la privant de ses enfants. Reine va chercher à se reconstruire, rencontre l’amour, redécouvre les vraies valeurs de la vie jusqu’à ce que son destin lui joue un tour fatal. Jean-Luc Seigle nous raconte son personnage avec passion.

kleber-laurent-hincker2Laurent Hincker rebondit sur les questions qui se posent à travers l’histoire de Reine. Quel est le point commun entre l’héroïne de Jean-Luc Seigle et les nombreuses femmes que son cabinet est amené à défendre ? Pourquoi fait-on tant de confusions quand on parle de violences faites aux femmes ? Et pourquoi ne commence-t-on que très récemment à prendre en compte les traumatismes subis par les enfants qui en sont témoins? Comment faire la preuve de la violence psychologique (le traumatisme peut être provoqué par un seul choc émotionnel) ou du harcèlement moral ? Comment agir ? Comment faire appliquer la loi dont l’arsenal de solutions existe clairement maintenant ?

Ce samedi dédié aux femmes victimes de violences dans le monde entier, le public est attentif aux réponses juridiques de l’avocat en résonance directe à la trame narrative du romancier. Bien au-delà, dans l’échange entre l’écrivain et l’avocat, chacun comprend qu’il faut pouvoir mettre des mots justes sur les souffrances subies. Non pas faire du copié-collé d’un média à un autre. Non pas galvauder les termes de harcèlement moral en voyant des pervers narcissiques partout. Non pas parler sans savoir ce que les termes recouvrent. Faire preuve de discernement, prendre le temps d’écouter les victimes, suspendre nos jugements de valeur afin d’accueillir leur mal-être et leur permettre de le déposer.

C’est bien la voie que nous montre l’écrivain à travers ses romans, celle aussi que défend l’avocat spécialiste en harcèlement moral, qui a été longtemps pénaliste et se bat pour la défense des droits de l’homme dans le monde.

On ne peut que remercier François Wolfermann, directeur de la librairie Kleber, qui ne manque pas, chaque année, de donner la parole à des auteurs  dont les voix s’élèvent haut contre les violences faites aux femmes.

 

Chantal Selva